Au nom des délégués des pays des Caraïbes latines (Aruba, Cuba, Haïti et la République Dominicaine), Mme. Risoris Silvestre (République Dominicaine) a procédé à la lecture du rapport de la réunion qui s’est tenue à La Havane, du 17 au 19 mai 2006.
La réunion a débuté le 17 mai à 10 heures. La séance inaugurale, qui a eu lieu à la Casa de África du Bureau de l’historien de la ville de La Havane, a commencé avec les mots de bienvenue de son directeur, M. Alberto Granados, auxquels a succédé le discours de M. Fernando Rojas, président du Conseil national des Maisons de la culture de Cuba, chargé de représenter Mme Marta Arjona, présidente de la Commission nationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel et du Conseil national du patrimoine culturel de Cuba.
M. Frédéric Vacheron, spécialiste de la culture du Bureau régional de la Culture pour l’Amérique latine et les Caraïbes, est intervenu en tant que représentant de l’UNESCO et au nom de son directeur, M. Herman van Hooff.
Après l’inauguration, une séance de travail a eu lieu sous la présidence du Dr. Jesús Guanche (Cuba), au cours de laquelle les Etats membre du groupe des Caraïbes latines et le bureau de l’UNESCO de Kingston ont présenté les différents travaux liés à la traite des esclaves et à l’esclavage.
Mme Patricia Green, conseillère et représentante du Bureau de l’UNESCO de Kingston, a fait référence à l’Inventaire des Sites de mémoire et à l’identification du patrimoine mondial.
Parmi les recommandations formulées sur la question par Mme Green, figurent l’application effective du programme d’action de la réunion qui s’est tenue à la Barbade en 2000 et son incorporation au Portail de la Culture ainsi que l’application de Youth Path, projet du bureau de l’UNESCO de Kingston destiné aux jeunes âgés de 15 à 25 ans issus de communautés pauvres et dont les objectifs sont, entre autres, d’habituer les jeunes à développer le patrimoine naturel et culturel et à rechercher des informations s’y rapportant afin que ces sites deviennent des centres touristiques nationaux et internationaux et que les jeunes développent un esprit d’initiative favorable à leur mise en valeur.
Elle a suggéré également de travailler dès maintenant au renforcement de la collaboration entre les bureaux de l’UNESCO de La Havane et de Kingston et d’explorer conjointement les possibilités de financement extrabudgétaire afin de consolider le programme régulier de chaque cluster.
Le Dr. Guanche (Cuba), chercheur de la fondation Fernando Ortiz, a présenté la méthodologie utilisée lors de l’expérience cubaine d’élaboration d’une cartographie de la Route de l’esclave. Il a présenté un bilan des principaux résultats atteints au cours de la décennie 1994-2004 en ce qui concerne les travaux de mémoire, de promotion des cultures vivantes et des programmes d’éducation.
Il a également proposé de développer des projets permettant d’approfondir l’étude non seulement de la Traite transatlantique mais également de la Traite trans-américaine et trans-caribéenne et de l’incidence de ces dernières sur l’identité et le développement culturel de la région.
Les représentantes de la République Dominicaine, Mme Glenis Tavárez du musée de l’Homme dominicain, et Mme Risoris Silvestre, directrice du Tourisme culturel du secrétariat d’Etat à la Culture, ont ensuite pris la parole.
Le Dr. Glenis Tavárez a fait référence au travail d’inventaire et de premier diagnostic de « La route de l’esclave » et du marronnage réalisé actuellement en République Dominicaine, en collaboration avec Mme Olga Diez Ascaso de l’Université de Barcelone. Elle a également souligné la profonde trace laissée par l’esclave africain dans quasiment toutes les manifestations de la culture dominicaine et dans l’identité nationale.
Mme Silvestre a présenté le programme d’inventaire des sites, y compris de ceux inclus dans la Route de l’esclave, développé dans chacun des sept pôles touristiques existants dans le pays afin d’organiser des parcours touristiques et culturels. Ce programme inclut un travail visant à faire prendre conscience et à sensibiliser les promoteurs culturels, les chefs d’entreprises et la communauté associés à ces sites afin qu’ils considèrent le tourisme non seulement comme une source de revenus mais également comme un facteur de développement et de diffusion de la culture.
Le représentant d’Haïti, M. Laennec Hurbon, président du Comité national haïtien de la Route de l’esclave, a parlé des Sites de mémoire en Haïti.
Il a souligné qu’avec le triomphe de l’insurrection de 1791, Saint-Domingue et Haïti représentent le point de départ de la grande chaîne d’abolitions de l’esclavage du XIXème siècle. De ce point de vue, Haïti peut être considéré comme l’un des sites de mémoire privilégiés de l’esclavage et de son abolition. C’est l’avis de l’UNESCO, qui a fait de l’année 2004, année du Bicentenaire de l’Indépendance d’Haïti, l’année de la commémoration de l’esclavage et de son abolition et a choisi le 23 août, jour de l’insurrection de Saint-Domingue, comme date de la célébration de l’abolition de l’esclavage dans le monde entier.
M. Hurbon a également présenté les cinq projets en cours en Haïti : la réhabilitation de cinq grandes habitations sucrières proches de la capitale, la réhabilitation des fortifications de la ville de Dessalines, l’inventaire des lieux de révolte des esclaves dans tout le pays, la consolidation de la chaire UNESCO d’Histoire de la Traite et de l’esclavage et la création du musée d’Histoire de l’esclavage, dont l’étude de faisabilité a déjà démarré.
M. Luc Alofs, conservateur du musée d’Histoire d’Aruba, a souligné que son pays avait encore un long chemin à parcourir en matière d’inventaire des sites de mémoire et que le projet pourrait aider à la reconnaissance de la spécificité de l’esclavage en Aruba ; cette spécificité étant due aux caractéristiques de son climat, qui a empêché le développement des plantations. La population esclave a toujours été peu élevée (elle n’a jamais représenté plus de 21,6% de la population) et les esclaves étaient traité de manière relativement clémente.
A Aruba, l’héritage culturel provenant de l’esclavage se manifeste dans la langue, la musique et les patronymes des familles descendantes d’esclaves.
C’est avec l’intervention de M. Alofs que la séance de travail du matin a pris fin.
Au cours de la séance de travail de l’après-midi, présidée par M. Hurbon (Haïti), M. Frédéric Vacheron et Mme. Grazia Piras (UNESCO/La Havane) ont procédé au lancement du projet des Sites de mémoire de « La route de l’esclave » dans les Caraïbes latines.
Ensuite, M. Nilson Acosta, conseiller auprès de l’UNESCO, a présenté de façon détaillée les documents méthodologiques nécessaires à l’élaboration du programme d’action du groupe:
▪ Les instructions méthodologiques pour la mise en œuvre du projet des Sites de mémoire de « La route de l’esclave » dans les Caraïbes latines.
▪ Le modèle de formulaire d’enregistrement des informations concernant les Sites de mémoire de « La route de l’esclave » dans les Caraïbes latines.
▪ Le modèle au format texte.
▪ Le chronogramme de travail.
Une fois les débats ouverts par le président de la séance, les délégués suivants ont pris la parole :
Le Dr. Jesús Guanche (Cuba) a proposé que, préalablement à l’application de la méthodologie, soient organisées des réunions de spécialistes de la question au niveau national.
Mme Patricia Green, du Bureau de l’UNESCO de Kingston, a félicité les conseillers pour leur travail. Elle a suggéré que les experts qui suivent le projet prennent en compte les résultats des différentes réunions concernant ce thème qui se sont tenues dans les Caraïbes afin de pouvoir intégrer à leurs travaux les conclusions adoptées, en particulier dans le domaine de la terminologie et de la méthodologie, et a recommandé de renforcer la coopération entre les deux bureaux à l’occasion de la mise en œuvre de ce projet.
Le Dr. Miguel Barnet (Cuba), président de la fondation Fernando Ortiz et membre du Comité international du projet de « La route de l’esclave », a également félicité le conseiller et son équipe, auteurs d’une méthodologie applicable, à son avis, à tout pays qui considère ces monuments et cet héritage comme un élément vivant de sa culture.
En ce qui concerne le point III du formulaire, il a dit qu’une caractérisation de la communauté porteuse était nécessaire, non seulement du point de vue physique mais qu’il fallait également prendre en compte la profonde interaction entre les dynamiques sociales, la forme sous laquelle se sont développées la vie et les relations entres les groupes communautaires et les groupes ethniques et quelles ont été leur vie quotidienne, leurs coutumes et comment, par la suite, cette culture a contribué à la formation de l’identité de ces nations ou peuples.
Il est important que ces sites ne soient pas seulement de froides structures ou de simples vestiges : en eux palpitait la vie d’êtres humains séquestrés et amenés en Amérique, où ils ont laissé une extraordinaire empreinte que nous devons reconnaître ; non seulement voir la blessure mais également les apports culturels, économiques et historiques de ces hommes et femmes qui ont souffert.
M. Hurbon (Haïti) a suggéré que chaque pays applique le formulaire en fonction du contexte qui est le sien et que les résultats des différentes réunions portant sur la question qui se sont déroulées dans les Caraïbes soient analysés.
M. Luc Alofs (Aruba) a réalisé certaines observations au sujet des objectifs à court terme contenus dans le document conceptuel du projet des Sites de mémoire de La route de l’esclave dans les Caraïbes latines, parmi lesquelles nous pouvons mentionner :
- développer des programmes d’éducation, en plus des programmes culturels et touristiques;
- développer les échanges d’expériences concernant les archives : renforcer leur préservation et transférer les informations sur des microfiches et en format numérique, afin de favoriser aussi bien la conservation que l’échange;
- préciser les limites des concepts de tradition orale et de culture touristique ainsi que les liens étroits existant entre le matériel et l’immatériel.
Après une vaste séance de débat, M. Hurbon (Haïti), président de la séance, a soumis au vote des délégués le document conceptuel du projet des Sites de mémoire de « La route de l’esclave » dans les Caraïbes latines, les documents méthodologiques ainsi que le chronogramme. Tous ces documents ont été approuvés à l’unanimité, en tenant compte des suggestions dont il a été fait état précédemment.
Au cours de la séance matinale de travail du 18 mai, présidée par Mme Glenis Tavárez (République Dominicaine), d’autres projets développés dans le cadre de « La route de l’esclave », aussi bien par le secteur de la Culture que par d’autres secteurs (comme les Communications ou l’Education), ont été présentés afin d’informer les délégués et d’encourager les possibles interactions entre le projet des Sites de mémoire de « La route de l’esclave » dans les Caraïbes latines et ces projets.
Les projets présentés par Cuba : le CD-ROM « La route de l’esclave », élaboré par le programme des Ecoles associées à l’UNESCO, et le CD-ROM « La traite des esclaves à Cuba à travers d’importants documents issus de ses archives » des Archives nationales de Cuba, sont des exemples du caractère multisectoriel du projet de « La route de l’esclave ».
Le Bureau régional de la Culture pour l’Amérique latine et les Caraïbes de l’UNESCO a présenté deux projets :
▪ Le site Internet du « Réseau des institutions de recherche sur les religions afro-américaines » présenté par Mme Olga Rufins, fonctionnaire national du programme culturel.
M. Hurbon (Haïti) a donné, comme exemple du travail du réseau, l’étude comparative portant sur les religions de la région qu’il réalise en ce moment en Haïti.
▪ La revue ORALIDAD, présentée par M. Víctor Marín, fonctionnaire national du programme culturel.
Ensuite, les observateurs ont présenté leurs travaux : Mme Olga Diez Ascaso, de l’Université de Barcelone, a présenté l’Inventaire et le premier diagnostic de « La route de l’esclave » et du marronnage en République Dominicaine, et M. Lionel Jules Janga, de Curaçao, a présenté le travail intitulé La route de l’esclave : le cas de Curaçao.
A la fin de la séance, en réunion de travail, les membres du groupe des Caraïbes latines ont analysé l’importance des projets et des initiatives présentés et leur possible application dans leurs pays respectifs et sont parvenus aux conclusions suivantes :
- Ils ont reconnu le caractère exemplaire des travaux menés sur la question par les Archives nationales de Cuba : le CD-ROM « La traite des esclaves à Cuba à travers d’importants documents issus de ses archives » et par les Ecoles associées à l’UNESCO à Cuba : le CD-ROM « La route de l’esclave », et ont exprimé leur désir de généraliser ces expériences aux autres pays du groupe;
- Ils ont recommandé également de faire connaître le site Internet du « Réseau des institutions de recherche sur les religions afro-américaines » dans les pays du groupe et d’activer et d’alimenter le réseau à partir de ces pays;
- La délégation dominicaine a reconnu la valeur du travail réalisé par l’Université de Barcelone en matière d’inventaire des sites de mémoire et a indiqué que le sous-secrétariat du Patrimoine culturel organisera la possible coopération avec l’Université de Barcelone pour la mise en œuvre du projet;
- Les membres des Caraïbes latines ont applaudi l’intervention du représentant de Curaçao et ont recommandé à ce pays et à Aruba d’échanger leurs expériences au cours de l’application du projet;
- Ils ont recommandé de renforcer la coopération entre les bureaux de La Havane et de Kingston et les autres bureaux du groupe concernés par ce thème.
Au cours de la séance de clôture, présidée par M. Luc Alofs (Aruba), qui a eu lieu dans l’après-midi du 18 mai, il a été procédé à la lecture et à l’approbation du rapport et des conclusions. La séance a pris fin avec les interventions de Mme Olga Dalmau, représentante de la Commission nationale cubaine de l’UNESCO, et de M. Frédéric Vacheron, au nom de M. Herman van Hooff, directeur du Bureau régional de la Culture pour l’Amérique latine et les Caraïbes.
La rencontre s’est terminée, le 16 mai 2006, avec la visite par les délégués du Castillo de San Severino et d’autres Sites de mémoire de la province de Matanzas, province de l’île où la présence d’esclaves africains a été la plus importante.
Fait à La Havane, Cuba, le 19 mai 2006. |